Origines de la commune

LA MOTTE FEODALE

Elle se confond avec la forêt de Chizé.

HISTORIQUE DE LA FORÊT DE CHIZÉ

Avec plus de 5 000 hectares, la forêt de Chizé proprement dite constituait la plus importante forêt du Poitou médiéval, avec la forêt de Moulière (elle s’étendait au nord-est  de Poitiers,  entre  la  Vienne  et  le  Clain. Aujourd’hui, c’est une forêt domaniale de 3 435 hectares).

Elle faisait, à l’époque gauloise, partie d’une bien plus vaste forêt, qui commençait, à l’ouest, à une vingtaine de kilomètres de La Rochelle, par la forêt dite aujourd’hui de Benon, se poursuivait par les actuelles forêts de Chizé, d’Aulnay, de Tusson (canton d’Aigre, en Charente) et se terminait à une trentaine de kilomètres au nord d’Angoulême.

Cette bande forestière, longue de près de 100 kilomètres, formait une sorte de frontière entre le territoire des pictons et le territoire des santons. Au début de l’ère chrétienne une importante voie romaine unit Saintes et Bordeaux à Poitiers. Elle franchit la frontière forestière gauloise près de Chizé, en séparant les actuelles forêts de Chizé et d’Aulnay. Un peu plus tard, une voie nord-sud, de Saintes à Niort, isola la forêt de Chizé de la forêt de Benon. Mais jusqu’aux 12ème -13ème siècles et même jusqu’au 15ème siècle, un même vocable, celui de forêt d’Argenson, sera donné indifféremment aux différents massifs forestiers de l’ancienne forêt frontière.

Isolée par les voies de St Jean d’Angély à Poitiers et de St Jean d’Angély à Niort, située à une égale distance des importants centres de St Jean d’Angély, Niort et Melle, la forêt de Chizé, massif principal et central de la forêt primitive, va vivre d’une vie propre à partir des premiers siècles de l’ère chrétienne.

L’époque gallo-romaine voit probablement la création de premiers grands domaines, villae ou comtés. Du 10ème au 12ème siècles, l’exploitation des ressources de la forêt et de nombreuses concessions de droits d’usage à des églises vont participer à la mise en valeur de la région. Au début de cette période, la forêt est avant tout une réserve de chasse.

Les comtes du Poitou paraissent avoir toujours disposé du château et de la forêt de Chizé :  l’église, la terre et toute la forêt de Doeuil sur le Mignon avaient été données à l’Abbaye de St Cyprien de Poitiers vers l’an 1000 ; c’est sous l’impulsion du comte Guillaume du Poitou que l’ancienne église de St Séverin sur Boutonne s’est transformée en une abbaye de chanoines réguliers de l’ordre de Saint Augustin.

Avec la fin des comtes Guillaume (1136) et le passage du Poitou aux Plantagenêts, les concessions de terre et de droits d’usage à des églises cessent à peu près totalement. En 1169, Aliénor d’Aquitaine accorde un droit d’usage à l’abbaye de Fontevrault dans la forêt d’Argenson, probablement au profit du  prieuré des Hermitans, près de Belleville. Richard Cœur de Lion fonde le prieuré de St Martin d’Augé, comme dépendance de l’abbaye de St Séverin sur Boutonne. Il accorde en 1177, à l’aumônerie St Jacques de Chizé le droit de prendre en la forêt tout le bois qui lui est nécessaire.

L’abbaye de St Séverin ainsi que de nombreux prieurés sont fondés : Marigny, Villiers en Bois, St Martin d’Augé, etc….. Il ne paraît pas y avoir eu de défrichements systématiques mais la multiplication de domaines ecclésiastiques a largement contribué au déboisement qui eut pour effet de grignoter les lisières de la forêt partout où la qualité du sol s’avérait suffisante pour porter des cultures et de la vigne.

NAISSANCE DU VILLAGE

L’exploitation de la forêt, jusque là réservée essentiellement aux grands domaines ecclésiastiques, s’amplifie à la fin du 12ème et au début du 13ème siècle, par la création de villes neuves. La poussée démographique, si forte alors, provoque l’installation « d’hôtes »,  classe nouvelle de paysans, bénéficiant d’intéressants avantages destinés à les attirer en de nouveaux points de peuplement, sur des terroirs de valeur moindre que ceux plus anciennement exploités. En un demi-siècle, plusieurs bourgs sont créés : Belleville, La Cigogne, Villeneuve la Comtesse, La Croix Comtesse.

La Croix Comtesse « Crucem Comitisse » fut fondée après et comme Villeneuve la Comtesse par Raoul II, seigneur d’Exodun, près de la Mothe St Héray. Richard Cœur de Lion le maria, vers 1194, à une riche héritière, Aélis ou Alix, comtesse d’Eu et c’est de Richard qu’il reçu le territoire (sinon l’ensemble de la seigneurie de Chizé) où il créa ces communes.

La charte de création de Villeneuve la Comtesse accorde des droits d’usage, des franchises et fixe quelques redevances. Tous les habitants de la ville auront le plein usage dans la forêt, à l’exception de trois arbres, chêne, hêtre et frêne ; toutefois, lorsqu’il s’agira de construire une nouvelle maison, n’importe quel arbre pourra être utilisé, à condition de se le faire délivrer par les forestiers ; quiconque coupera alors du bois sans l’accord des forestiers sera passible d’une amende de 5 sous s’il est surpris dans les limites de la forêt ; il est interdit de couper du bois, de chasser ou de faire paître les bêtes dans les bosquets entourant la ville. Les habitants ne seront jugés que dans leur ville et ils ne pourront être condamnés à une amende supérieure à 5 sous, sauf en cas de vols, d’homicide ou de blessure mortelle. Ils sont exempts de taille, d’obligations militaires, de ban, de droit de vente sur leurs porcs. Comme il s’agissait d’une charte destinée à attirer les hôtes, chaque nouvel arrivant devait recevoir une tenure entière et de la terre. En contre-partie, chaque hôte paierait 5 sous de cens annuel, moitié à la Saint Jean, moitié à Noël, 4 chapons à la Toussaint, et la onzième gerbe de terrage. Tous les habitants étaient tenus de porter leur pain aux fours du comte. 

LA MOTTE FÉODALE OU CASTRALE

Un texte du 15ème siècle nous rapporte que le comte Raoul d’Exoudun et sa femme, Aélis ou Alix, comtesse d’Eu, séjournaient avec prédilection dans leur terre de Chizé et que « pour l’esbatement de la chasse » ils firent faire un édifice fortifié (1) et entouré de douves à Villeneuve et à La Croix Comtesse (probablement avant 1200).  Cette construction a dû être abandonnée pendant la période des troubles de la Guerre de Cent ans en raison de l’existence de dispositifs fortifiés plus robustes à proximité, notamment à Villeneuve la Comtesse.

Extraits  de « la forêt de Chizé au Moyen Âge » d’après Robert Favreau – Bulletin philologique et historique du comité des travaux historiques et scientifiques 1963.

(1) Cet édifice était construit sur l’emplacement actuel d’un tertre, disposant encore par endroit de fossés, situé sur un terrain appelé « les douves » au centre du bourg et appartenant à la Commune de La Croix Comtesse.

Une butte aménagée, c’est à dire une motte féodale ou castrale, servait de base à un ouvrage défensif

La motte était surmontée par une tour, carrée ou rectangulaire, toute en bois. Elle recevait dans ses 2 ou 3 étages les réserves de vivres, le logement du seigneur et de sa famille et, au sommet, une plate-forme de guet en bois.

Un large fossé plus ou moins rempli d’eau doublait la palissade de pieux pointus qui entourait la motte et une porte unique communiquait avec l’extérieur, bien souvent à l’aide d’un pont incliné ou mobile.

Une seconde et haute palissade entourait également un terrain (basse-cour) sur lequel les paysans, placés sous la protection du seigneur, avaient édifié quelques cabanes de torchis ou de branchages. Les rues de l’amitié et des douves se tiennent sûrement à l’emplacement des seconds fossés.

Ci-joint un croquis d’une motte féodale montrant à quoi pouvait ressembler celle de La Croix Comtesse

Le toponyme de « La Croix Comtesse » peut s’interpréter comme suit : Le village est situé à un carrefour et l’on sait que des croix marquaient régulièrement les carrefours des routes médiévales. La comtesse désignée est Aélis ou Alix, comtesse d’Eu, citée plus haut

A la Révolution Française, pendant la période de déchristianisation sous la Terreur, en 1794, tous les vocables à consonances religieuses ou rappelant l’Ancien Régime, sont éliminés. La Croix Comtesse devient « La Liberté ». Les anciens noms sont rétablis en 1801.

Le Conseil Municipal a proposé que les habitants de La Croix Comtesse portent le nom de « cruci-comtessins ».